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  • educ-emoi76

Prime SEGUR dans le Médico-social : Les raisins de la colère

Dernière mise à jour : 3 mai 2022


La plaisanterie aura été de courte durée. Non pas que les travailleurs sociaux, sans doute trop habitués aux effets de manche et d’annonce des gouvernements successifs en matière de politiques sociales, aient réellement caressé l’espoir de la maigre augmentation de revenus vaguement promise par Castex et consorts il y a deux mois, mais le doute était tout de même permis.


Après une prime Covid ô combien mémorable par la division qu’elle avait alimentée, eu égard à l’hétérogénéité des attributions et montants, les six décrets d’application parus vendredi dernier au Journal Officiel viennent malheureusement de nouveau confirmer cette volonté éhontée de nos instances dirigeantes d’entretenir la disparité d’une corporation qui peine depuis toujours à s’unir.


183€ sera-t-il donc le prix de la discorde entre les différents acteurs privés et publics ?

Alors que cette prime, revalorisation salariale, ou que sais-je encore, vu le flou autour de sa dénomination exacte, et donc de l’incidence sur le calcul de nos retraites, devait être versée préalablement à toutes discussions, la donne a visiblement changé.


Car de prime Segur il n’y aura finalement dès avril que pour les fonctions publiques d’Etat et Hospitalière. La « Territoriale » se contentera quant à elle du bon vouloir de ses employeurs et de leurs propres critères d’attribution, quand les associations privés « à but non lucratifs parait-il » seront, elles, soumises aux renégociations tant désirées des conventions collectives ces deux dernières décennies par les syndicats patronaux.

Nul besoin d’un pseudo bac+3 pour mesurer que la Convention Unique aura à dessein de favoriser effectivement l’attractivité d’un secteur à la peine…mais plutôt celle de nos opérateurs marchands avides de dissoudre nos quelques acquis sociaux que celles des salariés en mal de « pouvoir d’agir » - sur leur consommation, dans une période de crise qui s’accentue inexorablement.


En d’autres termes serions-nous contraints-là à une forme de prostitution ?

D’abord se faire « entuber » via un nivellement par le bas, pour pouvoir ensuite obtenir ce qui devrait pourtant davantage relever d’un dû minimal inconditionnel que d’une aumône qui ferait de nous leurs obligés, voilà le programme vulgairement annoncé. La fameuse « théorie du ruissellement » semble finalement plutôt renvoyer à l’image obscène d’une pratique pornographique dégradante qu’à cette fable ultralibérale servie depuis les années 80. Oserais-je même dire que c’est foutrement écœurant.


Non content d’avoir déjà vu la valeur du point d’indice de la CCN66 augmenter de 2 cts d’euros seulement l’été dernier, tel un affront, voici qu’est annoncée parallèlement la certes nécessaire mais douloureuse progression régulière du SMIC pour compenser la hausse inflationniste.

5.9% depuis mai 2021. De quoi laisser rêveur plus d’un professionnel ! Avec 72€ net d’augmentation en un an, le revenu minimum passe ainsi à 1302.64€ net. Quelle réjouissance pour les jeunes travailleurs sociaux démarrant leur vie active avec un salaire quasi similaire...


Dans son œuvre Les raisins de la colère, Steinbeck décrivait la misérable vie d’une famille en quête d’un avenir meilleur dans l’Amérique de la Grande Dépression. Les travailleurs sociaux seraient-ils à leur tour devenus les métayers des temps modernes, chargés de « cultiver nos jeunes pousses » contre petite rétribution, et condamnés à emprunter la « Route 66 » de la Fonction Publique pour espérer survivre un peu plus ? Vu la fin dramatique, il nous revient de refuser le scénario de cette illusion.


Si l’acceptation de cette prime divisait déjà les professionnels, certains estimant tout aussi justement ne pas devoir se contenter de ces quelques grappes trompeuses, force est de constater qu’il devient de plus en plus difficile de remplir son frigo, pour rester dans l’analogie alimentaire.

Quant à pouvoir manger cinq fruits et légumes par jour, laissons ces recommandations étatiques luxueuses à ceux qui en ont les moyens. L’aide alimentaire n’est pas loin. Tant mieux ! Professionnels de l’aide à la personne et bénéficiaires pourront ainsi mutuellement mieux se comprendre, tous affairés aux mêmes préoccupations de base

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Trêve d’ironie ! Bien que le trait soit évidemment grossi, le gouvernement ne pouvait toutefois pas s’y prendre plus mal pour tenter de redynamiser un secteur où l’embauche est devenue très problématique, avec une kyrielle de postes non pourvus, d’épuisements professionnels et de défections à foison.

Cette dernière salve ministérielle, loin de recréer de l’envie, risque ainsi de déséquilibrer davantage le marché de l’emploi entre secteur privé et public par ces dispositions salariales inéquitables honteuses.


« Rejoignez-les, ils ont besoin de vous » proclamait maladroitement la dernière campagne autour des métiers du soin. Si ce message à la limite du culpabilisant ne fait que refléter les divergences de considérations et d’aspirations considérables toujours aussi flagrantes entre agents de terrain et financeurs, nul doute que cette entourloupe de plus réduira à néant les effets positifs potentiels d’un tel spot publicitaire. Espérons que McKinsey n’ait pas facturé trop cher le contribuable pour cette vaine promotion !

Pour le reste, la lutte continue, mais probablement avec moitié moins de contestataires puisque c’est sans doute là l’objectif attendu.


Camille Hamel

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